mardi 20 novembre 2007

Raiss haj Belaid


Raiss Lhaj Belaïd
le maître de la chanson soussie
Pour un non Soussi, le nom de Lhaj Belaïd n’évoque strictement rien. Sa musique non plus. La culture berbère, on ne le sait que trop bien, n’a jamais bénéficié de la reconnaissance qui lui est due. Et si, pour un non berbérophone, des noms comme Nass El Ghiwane ou Jil Jilala sont des icônes, pour un Soussi, dire qu’on ne connaît pas Lhaj Belaïd s’approche de l’offense. De Tafraout à Sidi Ifni, de Paris à Bruxelles dans la communauté marocaine berbérophone, il reste, presque soixante ans après sa mort, inégalable. Unique et inimitable.

Ses compositions, quant à elles, sont écoutées de génération en génération. Voilà tout ce qui se dit de Raïss Belaïd. Mieux encore : "Dans beaucoup de maisons, la photo encadrée de Mohamed V est à côté de celle de Raïss Belaïd", nous dit Saïd Boussif, directeur de Boussiphone, premier distributeur des 45 tours du musicien. Pourtant, des rwayess, il y en a par dizaines aujourd’hui. Houcine Elbaz, Raïss Amentag ou Aârab Atiggi sont aujourd’hui des stars de la chanson soussie, multipliant les représentations au Maroc et à l’étranger. Leurs productions, cassettes audio ou concerts enregistrés sur VHS ont toujours le vent en poupe.

Les Soussis, comme d’autres, ont besoin qu’on parle leur langue. Et pourtant, les commentaires sont unanimes : "Aujourd’hui, la musique soussie est devenue commerciale. La plupart des rwayess bâclent musique et textes et ne pensent qu’à vendre". L’époque de Raïss Belaïd est bel et bien finie. Celle des mélopées romantiques qui faisaient vibrer les hommes et des longs poèmes chantant l’amour qui faisaient pleurer les femmes : "Et c’est loin d’être une légende. Là où il passait, les femmes pleuraient. Certaines perdaient même connaissance", nous dit Lahcen Belhaj, réalisateur de films et de documentaires en soussi.

Lhaj Belaïd était un raïss. L’équivalent d’un mâalem dans la culture gnaouie pour les néophytes. Un maître de musique en somme. Un raïss, compositeur, auteur et interprète, chef de troupe. Lui, était beaucoup plus que cela. Poète, maître en rimes, en métaphores et en amarg (le mot désigne la nostalgie et la poésie soussies mais aussi la musique où cette poésie est chantée) : "N’importe qui ne peut pas comprendre les textes de Raïss Belaïd.
Chaque phrase est une image, que ce soit dans des chansons sur l’amour, sur l’émancipation des femmes ou encore les valeurs de la société", précise Raïss Hmad Amentag, originaire de la région de Tafraout. Mieux encore. Le rbab, instrument à une corde, majeur dans la musique soussie, c’est lui qui l’y a introduit : "La corde était en crin. Actuellement, elle est en plastique", regrette Lahcen Belhaj.

C’est en 1873 que Raïss Belaïd est né à Anou n’âaddi, douar dans la région de Tiznit. Mais ce n’est pas là qu’il grandira. Ce sera dans le mellah de Tahala aux environs de Tafraout : "C’est là qu’était concentrée la plus importante communauté juive du Souss" continue Lahcen Belhaj. Belaïd y côtoiera chanteurs et poètes juifs berbères. C’est auprès d’eux qu’il apprendra la musique. À partir de là, dans les cérémonies, c’est à lui qu’on fera appel.
Comme dans les soirées organisées par les grands des douars. Très tôt, il deviendra l’un des plus grands raïss.

Le docteur Mohamed Bizrane, chirurgien à Agadir et fils de Saïd Achtouk, autre illustre raïss décédé en 1989 raconte : "Quand Raïss Belaïd est décédé en 1945, mon père avait à peine 11 ans. Il était déjà son idole. Il le sera d’ailleurs toute sa vie. Mon père disait toujours : la musique aurait dû s’arrêter à Raïss Belaïd". Saïd Achtouk n’a jamais enregistré : son père s’y opposait.

Quant à son idole, il a, lui, traversé les frontières grâce à sa musique. Car, Raïss Belaïd a enregistré ses chansons. Pas au Maroc et pas pour n’importe qui. Il a, en effet, fait partie de la première série de 78 tours de Pathé Marconi. Rien que cela. De cet enregistrement, on retient encore une anecdote, celle de la rencontre du maître de l’amarg avec un maître de la chanson arabe, Mohamed Abdelouhab en l’occurrence : "On raconte d’ailleurs que Mohamed Abdelouahab était admiratif devant Raïss Belaïd et que celui-ci lui a lancé un défi, celui d’écrire et de composer une chanson sur le champ", raconte Saïd Boussif. Car Raïss Belaïd était connu pour cela aussi : "Il n’écrivait presque jamais ses poèmes, il les improvisait". Que retient-on encore de Raïss Belaïd ? Qu’il a voyagé dans tout le Maroc, de village en village, chantant ici et là avec sa troupe.


Qu’à l’apparition du phonographe, les hommes et les femmes des douars se rassemblaient, en plein air, autour de ses disques et beaucoup pleuraient dès la première note de son rbab. Qu’il a très souvent été invité par Glaoui, tout puissant pacha de Marrakech, pour chanter devant ses illustres invités : "Celui-ci l’admirait énormément et on raconte même qu’il en a fait son conseiller".

L’histoire retient aussi qu’il a chanté les femmes, l’amour, les guerres entre les tribus et des poèmes nationalistes. Et qu’il a initié d’autres grands rwayess dont Sassbo, Boubaker Anachad, Boubaker Zaâri, qui tous ont été ses disciples et ont à leur tour marqué la chanson soussie.

Il reste aussi sa famille. Son fils, qui vit dans la misère la plus totale à Tiznit. Raïss aussi. Et ses petits-enfants, également musiciens doués, connus dans la région de Tiznit. Il reste des rwayess, tous influencés par sa musique. Il reste aussi des 45 tours, précieusement gardés par des familles soussies et des cassettes de plus en plus difficiles à trouver.

Et pourtant : "Il est à la chanson soussie ce qu’est Mohamed Abdelouhab ou Abdelhalim Hafed à la musique arabe". Il y a aussi ce petit jeune, du nom de Ibba Saïd, installé en France et qui cette année a repris et modernisé le répertoire de Raïss Belaïd. Une réussite selon les connaisseurs.

Il reste des chansons, que les Soussis connaissent par cœur et chantent avec nostalgie. Parmi tant d’autres : Atbir Oumlil (la colombe blanche), Taleb (le savant) ou encore Beni Yacoub. Et il reste enfin des mots dont on retiendra : "Ô Colombe blanche, si tu es prête à m’accueillir, je viendrais vers toi, quitte à me perdre en chemin".

Rwayess :
Artistes en voix de disparitions Pour les plus pessimistes, oui. Les rwayess, ces maîtres de la chanson soussie ont laissé place à des groupes de musique qui, de plus en plus, introduisent des instruments de musique modernes (batterie, clavier...) venant couvrir le plus important, le son du rbab, du derst (tam tam) ou encore du loutar (4 cordes).
Ce n’est pas tout, le texte, très important dans l’amarg, est relégué au second plan.

Des grands rwayess ? Non, il n’y en a plus : "Peut-être Tabaâmrant qui laisse le soin d’écrire ses textes à d’autres plus doués qu’elle". Il faut dire aussi que rien n’est fait pour préserver la tradition des rwayess ni pour les faire connaître auprès d’un large public, pas uniquement berbérophone.

Quant aux concerts, ils sont organisés dans la région du Souss, exclusivement. Les deux télévisions, elles, considèrent et traitent encore la musique soussie sous son aspect le plus folklorique. Loin de la poésie berbérophone qui gagnerait tant à être traduite. Les mâalems gnaouis ont eu leur festival grâce auquel ils sont sortis de l’ombre.

Alors, à quand un festival des rwayess ?

Source : Tel Quel


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2 commentaires:

Anonyme a dit…

merci ssi seddik, vraiment toute et meilleur ici et vive la culture berber

Anonyme a dit…

merci ssi seddik, vraiment toute et meilleur ici et vive la culture berber